Dans le cadre de l’opération #LaRouteDeLaCom,  Cyrille Bertrand Mbangué a réalisé une interview de son parrain Mathieu Soliveres.

Peux-tu te présenter brièvement ?

Mathieu Soliveres (MS) : Je suis juriste de formation spécialisé en propriété intellectuelle. Parallèlement à mes études, j’ai exercé en tant que journaliste. A la fin de mes études en 2011, j’ai créé l’agence E-Fluence, une agence de communication digitale spécialiste de la francophonie.

En quelques mots, comment définis-tu ton métier de communicant politique ?

(MS) : Nous ne sommes pas là pour prendre les décisions à la place du politique qui est le seul à avoir la légitimité de son action. Nous ne sommes pas là non plus pour prendre la lumière ou apparaître sur le devant de la scène. Notre rôle consiste à placer la femme ou l’homme politique dans les meilleures conditions possibles, que ce soit en campagne électorale ou dans le cadre d’un mandat électif.

Nous devons être les yeux, les oreilles du politique, lui offrir un regard objectif sur la situation pour lui donner toutes les cartes possibles pour qu’il puisse prendre sa décision de manière éclairée.

Il est nécessaire pour cela de prendre du recul sur une situation parfois compliquée, de dépassionner les enjeux, pour apporter la meilleure solution possible en matière d’outils, d’éléments, de timing et de stratégie.

Enfin, la communication politique c’est également de la réactivité, de l’efficacité et de la disponibilité pour coller à l’actualité et aux activités assez intenses des politiques.

Pourquoi as-tu choisi de t’orienter plutôt dans le conseil en communication politique ?

(MS) : Nous ne travaillons pas uniquement avec les politiques puisque nous comptons également, parmi nos clients, de nombreuses entreprises ainsi que des associations et des collectivités .

Cela dit, le fait de participer à des campagnes électorales et d’accompagner au quotidien des femmes et des hommes de premier plan est extrêmement enrichissant sur un plan humain et intellectuel. L’intensité des missions, les rencontres, les enjeux et les défis à relever sont stimulants.

Travailler avec un politique, c’est découvrir un territoire, une culture, une ambiance différente à chaque fois. Il faut sans cesse innover, se remettre en question, analyser, chercher à comprendre pour viser juste et faire la différence.

J’ai eu la chance de prendre goût à la politique relativement jeune, de travailler pour des élus et des candidats de grande qualité, je crois qu’aujourd’hui je pourrais difficilement m’en passer !

Dans le cadre de ton travail, tu te déplaces fréquemment pour organiser des campagnes électorales. Peux-tu nous parler précisément d’une campagne que tu as menée ?

(MS) : J’ai été candidat à des élections. Je sais donc l’exigence, le travail et l’énergie qu’un politique doit consacrer à cette ambition.

Dans le cadre d’une campagne électorale, tout doit être fait pour que le candidat ne pense qu’à la victoire, sans perdre de temps sur des problématiques annexes comme la logistique, la communication ou encore le planning.

L’énergie du candidat doit être focalisée sur les rencontres, les meetings, les débats et les domaines dans lesquels ses compétences intrinsèques apportent une véritable plus-value. Il faut être efficace !

La clé dans une élection, c’est la préparation afin de pouvoir donner le maximum dans la dernière ligne droite. Tout doit être pensé en amont, planifié, organisé, sans oublier de laisser une certaine marge de manœuvre pour réagir à l’actualité voire ajuster la stratégie afin de ne pas brider le candidat, l’enfermer dans un schéma qui pourrait être réducteur ou inadapté.

Chaque campagne est unique, chaque candidat a ses forces et ses faiblesses. L’élaboration de la stratégie doit en tenir compte

A ton avis, quels sont les éléments qui déterminent la réussite d’une bonne communication en période électorale ?

(MS) : Proximité, réactivité et authenticité. Les électeurs attendent de leurs candidats un échange direct, franc, sans filtre et sans langue de bois. Ils veulent pouvoir interroger librement le candidat, l’interpeller et attendent de lui qu’il réponde avec franchise, sans chercher à se cacher derrière des artifices ou des formules creuses. Ils veulent des candidats à leur portée, qui les comprennent, qui connaissent leurs vies et leurs façons de communiquer avec leurs proches et leurs amis.

Je crois qu’en campagne électorale il faut innover et multiplier les échanges, peu importe les canaux utilisés.

Quelle est selon toi la partie passionnante de ton travail ?

(MS) : J’aime l’idée que chaque mission, chaque projet, chaque campagne est unique. Il faut sans cesse observer, s’inspirer des bonnes pratiques, des succès ou des échecs, pour améliorer ses propres outils, ses propres stratégies.

La communication est un secteur dans lequel on n’a pas le temps de s’ennuyer, de se reposer sur des acquis et des certitudes. C’est assez stimulant !

Lors de tes missions en Afrique, as-tu remarqué si la communication politique est pratiquée différemment de celle qu’on voit en France ?

(MS) : D’une manière générale, les médias traditionnels sont de plus en plus contestés, critiqués, délaissés. Rares sont ceux à coller véritablement aux usages, notamment numériques, de la jeunesse.

Ce phénomène est encore plus prégnant en Afrique où Internet et les réseaux sociaux prennent une place toujours plus importante dans la diffusion de l’information.

Il est donc primordial de miser sur ces outils (Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat) pour toucher le public ciblé et lui délivrer un message pertinent. S’il ne faut pas négliger les chaînes de télévision ou la presse écrite, les réseaux sociaux sont aujourd’hui incontournables dans la communication politique en France comme en Afrique. Ils offrent une réelle proximité et facilitent les échanges. D’une certaine manière, ils contribuent à faire émerger de nouvelles idées, de nouvelles pratiques et de nouveaux visages.

Quelles est selon toi les grandes mutations qui vont s’opérer sur le métier de communicant politique et quels conseils peux-tu donner à quiconque veut percer dans ce métier ?

(MS) : Les citoyens aspirent à voir émerger de nouvelles pratiques, de nouvelles façons de faire de la politique. Ils aspirent à plus d’authenticité et veulent s’approprier le débat d’idées. Les outils numériques permettront de renforcer ces liens déjà forts et peuvent contribuer à renforcer la confiance des citoyens dans leurs élus et de manière plus générale dans leurs institutions. Les politiques doivent intégrer ces évolutions, ces attentes nouvelles dans leur façon d’exercer leur mandat, de rendre des comptes sans pour autant tomber dans la dictature de la transparence. Ils doivent intégrer ces outils, ces usages pour appréhender au mieux les défis qui les attendent.

Dans ces mutations à venir, le rôle des communicants – ou de ceux qui aspirent à le devenir – sera de toujours rester attentifs à ces évolutions, de les intégrer pleinement à leurs stratégies.

Interview réalisée en mars 2018 par Cyrille Bertrand Mbangué