Interview de Virginie Mahé (@virginiemahe), Directrice conseil du pôle Marketing territorial et associée de l’Agence Bastille. Elle fait également partie de l’aventure La Route de la Com’ destinée à aider 60 étudiants et jeunes diplômés francophones à s’insérer dans le monde professionnel.

Pour Albine Villeger, le marketing territorial consiste à « faire de la marqueterie avec les atouts du territoire ». Vous, comment définiriez-vous le marketing territorial ?

Virginie Mahé (VM) : Je dis souvent que cela consiste à faire du marketing, c’est-à-dire travailler sur l’offre et sa valorisation afin d’attirer des cibles bien définies (lien offre-cibles), mais en l’adaptant à un territoire, prenant donc en compte une multitude d’acteurs-émetteurs de messages (et pas seulement la collectivité territoriale par exemple) !

Quelle est la démarche pour bâtir une stratégie de marketing territorial efficace ?

(VM) : Respecter les 3 phases clés : diagnostic-positionnement-stratégie. Ne pas lésiner sur la phase de diagnostic, importante pour réellement savoir d’où l’on part mais aussi pour commencer à mobiliser les forces vives du territoire. Et deuxièmement, justement, mobiliser largement l’ensemble des partenaires territoriaux, qu’ils soient issus du monde institutionnel, privé, associatif… Enfin, je dirai de la créativité : dans un monde où la concurrence est toujours plus forte et les démarches de marketing territorial se multiplient, il faut savoir se donner les moyens de sortir du lot !

Au regard de ce qui se fait dans le monde entier, quelles sont pour vous les démarches de marketing territorial les plus innovantes ?

(VM) : Je pense que la plupart des meilleures pratiques présentées au Place Marketing Forum tous les ans méritent réellement que l’on s’y penche de plus près. J’ai ainsi particulièrement apprécié l’initiative de Seoul Sharing City et je citerai volontiers Amsterdam, qui reste une valeur sûre en la matière, quel que soit le prisme d’analyse.

Quelles peuvent être les raisons pour lesquelles une stratégie de marketing territorial échoue ?

(VM) : La première et la plus commune est le fait de lancer une démarche par un acteur public sans concertation avec les parties prenantes du territoire : outre le fait que cela peut sembler être une initiative politique (et donc remise en question aux prochaines élections…), vient souvent un moment où cela finit par s’essouffler, la collectivité territoriale ne pouvant mener seule à bien ce genre de démarche.

Une deuxième raison me semble être un engagement court-termiste : on ne se lance pas dans une démarche de marketing territorial pour en changer dans 2 ou même 3 ans. Il fait pouvoir se laisser le temps, se donner les moyens (financiers, humains) de la faire aboutir.

Vincent Gollain estime qu’en matière de marketing territorial, il ne faut pas opposer marketing de l’offre et marketing de la demande. Partagez-vous ce point de vue ?

(VM) : Tout à fait, il est au contraire impératif de lier les deux, même si forcément dans la mise en œuvre les actions divergeront.

Dans une interview vidéo, Joël Gayet estimait que pour lui une démarche de marketing territorial nécessite de sélectionner les meilleures entreprises, d’effectuer une labellisation. Qu’en pensez-vous ? N’est-ce pas compliqué pour un organisme public de porter un tel jugement ?

(VM) : Il me semble que tous les territoires ne peuvent se permettre cette approche « VIP » : quand on est déjà une « marque naturelle », et qui plus est un grand territoire, comme la Bretagne par exemple, c’est relativement plus simple de solliciter avec succès de grandes entreprises. Pour d’autres territoires en revanche, je pense que l’enjeu n°1 est d’abord de mobiliser largement, de créer un mouvement d’ensemble, quitte à « labelliser » dans un deuxième temps.

Comment est généralement réparti le budget alloué au marketing territorial ? Cette répartition est-elle opportune ?

(VM) : A peu près équivalent entre les 3 phases, avec toutefois plus d’importance pour le diagnostic et la stratégie qui sont souvent plus participatifs (donc plus chers à organiser) mais aussi structurants pour la suite (plan d’actions).

Internet a bouleversé le marketing territorial. Quels sont les enjeux du marketing territorial en matière numérique ?

(VM) : La e-réputation joue également pour les territoires : une image se construit aussi sur le web (voire surtout ?). De plus, il est impératif d’intégrer les rouages du webmarketing afin de proposer une information crédible et séduisante aux cibles là où elles vont chercher l’information. Sans parler de la logique social media que l’on peut mobiliser à profit, que ce soit avec les ambassadeurs ou encore les influenceurs en tout genre.

Quelles sont les nouvelles pratiques en matière de marketing territorial ?

(VM) : Je pense qu’un champ extrêmement intéressant s’ouvre du côté de la data : que ce soit du point de vue du territoire afin de proposer une information réellement territorialisée et partagée et ainsi faciliter la promotion, mais aussi dans l’identification et le suivi des cibles. Le programmatique est ainsi clairement un axe encore sous-exploité en marketing territorial.

Interview réalisée par Damien ARNAUD (@laCOMenchantier) – avril 2018


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