Interview d’Allwitch Joly (@allwitch_joly), Porte-parole de la Mairie de Port-au-Prince (Haïti).

Vous êtes porte-parole d’une Mairie, fonction qui n’existe pas en France. Quel est votre parcours antérieur ? En quoi consiste votre rôle ? Faites-vous de la communication publique et/ou de la communication politique ? Comment s’articule votre rôle avec celui du directeur de la communication de la Mairie ?

Allwitch Joly (AJ) : Avant j’étais responsable de communication de l’Institut national de musique d’Haïti, institution se trouvant sous la tutelle du Ministère de la Culture et de la Communication. Mon rôle consiste à parler à la presse sur ce que réalise la Mairie, défendre la position du Conseil municipal, débattre avec les journalistes des intérêts de la Mairie dans les affaires relatives à la commune de Port-au-Prince. Cela dit, je fais à la fois de la communication publique et politique. Il existe un service de communication avec un chef du service. Il organise la couverture des événements qu’organisent ou auxquels prend part le Maire ou des personnels de la Mairie. Il organise mes entrevues et celles du maire avec les journalistes et oriente, avec moi, la communication municipale en général.

Est-ce que d’autres mairies en Haiti disposent également d’un porte-parole ?

(AJ) : C’est une première dans l’histoire de l’édilité en Haïti.

Est-ce que le fait qu’il existe un taux d’illettrisme élevé en Haiti a des conséquences sur les outils de communication utilisés par la Mairie de Port-au-Prince ? 

(AJ) : Oui et pour ça qu’on est obligé d’intervenir plus souvent dans les médias, au lieu de diffuser sans cesse des brochures et autres outils du genre.

Auriez-vous un ou deux exemples de campagne de communication mises en œuvre par votre Mairie et que vous trouvez particulièrement réussies ?

(AJ) : L’exemple le plus considérable est celui de la campagne autour de la collecte des déchets chez les habitants. La musique étant entraînante, la campagne média touche rapidement les gens. Cela s’explique par le fait qu’en Haïti, les gens ont un rapport particulier à la musique. C’est pour cela que la plupart des campagnes de communication média se font avec de la musique.

La Mairie de Port-au-Prince sollicite-t-elle régulièrement les habitants de la ville sur les grands projets lancés par la municipalité ? Est-ce que la démarche de concertation est ancrée dans les pratiques ?

(AJ) : En effet, le maire rencontre régulièrement la société civile, c’est-à-dire les organisations et associations locales.

La démarche de concertation est toujours priorisée par le Maire. D’ailleurs, le Maire Principal de Port-au-Prince (Monsieur Ralph Youri CHEVRY) est connu pour être celui qui a rétabli les rapports entre la Mairie et les différents élu(e)s locaux/locales.

Une personne que nous avions interviewée il y a quelques années a estimé que l’on ne peut pas faire de communication publique ou politique en Haiti sans maîtriser le créole haïtien. Qu’en pensez-vous ?

(AJ) : Cette personne a tout à fait raison. J’ai moi-même demandé à un média haïtien réputé francophone de prendre mon entrevue en créole afin de faciliter à la fois la compréhension mais aussi l’adhésion ou l’influence de la population de Port-au-Prince. Je fais donc de la communication publique et de la communication politique.

D’après votre expérience, quel rapport les haïtiens entretiennent-ils avec la langue française ? 

(AJ) : Je dirais que le français a longtemps été considéré comme une langue de prestige, ce qui en a même fait un outil de domination sociale. Certains croient que parler français fait de soi quelqu’un de supérieur aux autres. Toutefois, je dois admettre que la tendance n’est plus la même depuis maintenant quelques années.

Interview réalisée par Damien ARNAUD – novembre 2018

Découvrez l’interview d’Axelle Kaulanjan sur la communication publique et politique en Haiti > https://cercledescommunicants.com/2016/12/05/on-ne-peut-pas-faire-de-communication-publique-et-politique-en-haiti-sans-maitriser-le-creole-haitien/