« Un conseiller communication ministériel identifie les sujets sur lesquels il est opportun de se positionner ou de prendre la parole, les risques potentiels, les faiblesses éventuelles »

Interview de Mathieu Pontécaille (@mpontecaille), Conseiller communication au cabinet du ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités. Auparavant, il a notamment occupé les fonctions de responsable adjoint du département digital du Service d’information du Gouvernement (SIG) et de Conseiller pour la communication numérique au cabinet de Jean-Marc Ayrault à Nantes.

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En quelques mots, comment qualifieriez-vous le rôle d’un conseiller communication ministériel ? Est-ce que l’activité d’un conseiller communication ministériel diffère beaucoup en fonction du ministre pour lequel il travaille ou en fonction des ministères ?
Mathieu Pontécaille (MP) : Son rôle est multiple : il met en scène l’action du ministre et de son ministère, leur donnent sens et cohérence en les inscrivant dans un récit et en agissant sur les multiples leviers dont il dispose (web, réseaux sociaux, médias…). Il identifie les sujets sur lesquels il est opportun de se positionner ou de prendre la parole, les risques potentiels, les faiblesses éventuelles. Enfin, il coordonne les services de communication des différentes administrations placées sous la tutelle de son ministre. L’activité diffère nécessairement en fonction de la personnalité et de la culture du ministre : celui-ci sera très au fait des outils numériques, celui-là y sera totalement étranger ne jurant que par la presse traditionnelle. Cet autre comprendra bien les enjeux, ce dernier se méfiera de tout ce qui a trait à la « com ». C’est une histoire de génération, de caractère ou d’histoire personnelle. Charge au conseiller de convaincre, parfois d’évangéliser ! L’activité est aussi liée au poids du ministère et des services supports qui lui sont dédiés. Certains conseillers ont donc des tâches très opérationnelles en plus de la stratégie et du pilotage.

Quelles sont les principales missions que vous avez réalisées en tant que conseiller communication ministériel ?
(MP) : Beaucoup de rédaction (éléments de langage, communiqués, dossiers de presse, plaquettes, articles…), de la stratégie, la définition de la charte graphique du ministère, le pilotage de la création du site institutionnel, de sa ligne éditoriale, de l’événementiel, de l’image, des urgences diverses et permanentes !

Quelles sont les actions de communication que vous avez mises en œuvre pour un ministre et que vous trouvez particulièrement intéressantes ?
(MP) : Sur le travail législatif, on communique trop souvent sur le projet de loi et peu après l’adoption du texte par le Parlement. Or c’est celui-ci qui s’applique, et il diffère généralement assez sensiblement du projet initial : je me suis attaché à systématiquement communiquer avant, et après. C’est le volet « SAV » de notre métier. Je pense également à des dossiers sur lesquels plusieurs conseillers et le pôle communication de l’administration ont travaillé – les pôles communication ont de fait une dimension très transversale – pour objectiver un discours porté. Cela peut prendre un certain temps : il s’agit de passer au crible, avec l’aide de nos administrations, des masses de données pour en faire ressortir les enseignements principaux. C’est l’exemple par la preuve. La crédibilité de l’action et du discours publics se joue sur ce type d’actions.

La plupart des conseillers communication disposent de chargés de communication et de chargés de mission à leur disposition au sein du cabinet du ministre. Quel est leur rôle ?
(MP) : Ils ont un rôle de collaboration et de support. Ce sont la plupart du temps des profils plus junior qui bénéficient par leur passage en cabinet d’une expérience très riche, sur bien des plans. Souvent chargés des tâches plus opérationnelles, ce ne sont pour autant pas des « petites mains » mais bien des collaborateurs qui ont voix au chapitre – en tous cas c’est comme cela que je l’entends – et apportent leur propre point de vue et force de proposition. Ils ont une existence légale mais ne sont pas nommés au Journal Officiel comme les conseillers. En ce sens leur existence n’est donc pas publique mais elle n’est pas secrète pour autant.

En matière de communication, comment s’organise le travail entre le conseiller communication et le directeur de la communication du ministère et plus globalement avec le service de communication institutionnel ? Par exemple, qui rédige le plan de communication du ministère ?
(MP) : C’est très variable. Un très gros ministère sera doté d’un service de communication important : généralement, son dircom propose au conseiller en charge, puis au ministre, son plan de communication qui sera amendé par le cabinet si nécessaire. Il peut y avoir de gros ministères qui partagent un même service de communication, et puis ceux qui n’en ont pas du tout. C’est dans ce cas au niveau du cabinet que tout se passe. En règle générale, le cabinet donne ses instructions à ses services et c’est lui qui valide les publications, contenus et actions en s’appuyant aussi sur leur expertise. Cela peut avoir lieu sous diverses formes, par de simples échanges de mails, d’appels téléphoniques ou de réunions de concertation. Pour ma part, et en accord avec les divers responsables de communication des services avec lesquels je travaille, je m’entretiens couramment directement avec les collaborateurs concernés pour plus de fluidité et de rapidité.

Quel est le profil des conseillers communication ministériels ? Est-ce plutôt des militants, des personnes qui ont une relation de confiance avec le ministre ou est-ce plutôt des artisans de la communication ?
(MP) : Les trois ! Certains ont une relation intime avec leur ministre, ont fait leurs armes à ses côtés depuis parfois des années et l’ont suivi partout. D’autres sont nommés par un ministre qu’ils ne connaissaient pas, sur recommandation du directeur de cabinet ou d’autres cercles de confiance. Certains enfin sont recrutés par voie d’annonces mais c’est assez rare. Tous en revanche se doivent d’être loyaux, très investis et, bien sûr, de partager l’essentiel des convictions politiques du ministre.

Est-ce que les conseillers communication des ministres se réunissent régulièrement pour échanger notamment sur leur métier ?
(MP) : Ce sont des métiers très prenants avec des journées très intenses. Cela se passe plus de manière informelle et au cas par cas, même si des initiatives ont été mises en place mais assez vite abandonnées par manque de temps. C’est dommage ! Cela se fait d’ailleurs plus au niveau des administrations sous l’égide du SIG.

Interview réalisée par Damien ARNAUD (@laCOMenchantier) en mars 2017


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