Interview de Vincent Gollain (@VincentGollain), Directeur du département économie de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la Région Ile-de-France, conférencier, formateur et auteur de nombreux ouvrages dont “Réussir son marketing territorial”.
Beaucoup de professionnels de la communication évoquent indistinctement le marketing territorial et l’attractivité territoriale ? Pour vous, est-ce la même chose ?
Vincent Gollain (VG) : L’attractivité territoriale est la mesure, pour un territoire donné, des flux entrants et sortants dans un marché donné (nombre d’entreprises étrangères, nombre de touristes, produits exportés / importés, etc.).
Quant au marketing territorial, c’est une déclinaison du marketing qui vise à agir favorablement pour un territoire sur les comportements des publics visés.
Le marketing territorial va être utilisé pour agir sur l’attractivité du territoire souvent pour augmenter les flux et plus rarement pour les infléchir, voire les diminuer (en volume pas en valeur, voir le débat sur le tourisme de masse).
Et quelle est la place du tourisme dans tout cela ?
(VG) : Le tourisme est une composante de l’attractivité territoriale et du marketing territorial.
Quelles sont les règles à respecter pour bâtir une bonne stratégie de marketing territorial ?
(VG) : Du travail ! Bien étudier les marchés (et les comportements des clientèles), les concurrents, les facteurs d’environnement pouvant agir en plus ou en moins afin de définir un positionnement permettant d’atteindre les objectifs fixés.
… et les règles à éviter ?
(VG) : Elles sont nombreuses : copier-coller sans tenir compte des différences de situation ; vouloir lancer une marque territoriale sans réflexion préalable ; ne pas mettre en place une organisation fonctionnant en mode projet ; sous-estimer la nécessité d’avoir des collaborateurs / -trices compétents ; sous-estimer les budgets nécessaires…
Aujourd’hui, est-on plutôt dans un marketing territorial de l’offre ou de la demande ?
(VG) : Excellente question ! Même si des progrès ont été accomplis pour mieux tenir compte des comportements des cibles (cette tendance se renforce), l’approche reste souvent centrée sur un marketing de l’offre. Il s’agit de valoriser souvent des investissements publics réalisés (une zone d’activités, une rénovation de centre-ville, un équipement, une station touristique, etc. ) sans trop s’être préoccupé des cibles en amont.
Aujourd’hui, je préconise d’étudier les parcours clients en amont pour bien comprendre ce qu’il faut faire pour agir sur les comportements
Quels sont les nouveaux champs et enjeux du marketing territorial ?
(VG) : Progressivement le marketing territorial investit de nouveaux sujets, comme par exemple la gastronomie, la tradition. Tant qu’il reste dans l’objectif de permettre d’agir sur les flux, c’est une bonne tendance. En revanche, lorsque le marketing territorial veut s’occuper de la création d’entreprises, d’urbanisme, de transports, etc. il se perd et oublie sa mission première « servir l’attractivité » qui est un champ plus étroit que le développement territorial ou la compétitivité territoriale.
Pourriez-vous citer trois campagnes de marketing territorial mises en œuvre dans l’espace francophone et que vous trouvez particulièrement réussies ?
(VG) : Le marketing territorial ne se résume pas à des campagnes de Com’.
Lorsqu’Amiens, qui vient de lancer « Amiens Capitale Européenne de la Jeunesse 2020 », mobilise des Amiénois pour identifier avec eux les actions et outils qu’ils ont besoin pour améliorer l’attractivité de la métropole en lien avec cet événement, ils font du marketing. Voir : https://www.facebook.com/amiensyouth2020/
Lorsque la CCI et la métropole de Brive la Gaillarde créent ensemble une entité pour améliorer l’offre commune de services aux entreprises extérieurs au territoire et confie à cette entité l’animation d’une démarche d’attractivité, ils font du marketing territorial. Voir : http://www.marketing-territorial.org/2018/06/comment-manager-une-demarche-de-marketing-territorial-a-l-echelle-d-une-intercommunalite-5-enseignements-majeurs-de-l-experience-de
Lorsque Victoriaville (au Québec) mobilise ses habitants pour développer son attractivité résidentielle, ils font du marketing territorial. Voir : http://www.marketing-territorial.org/2018/03/amene-ton-monde-une-belle-campagne-de-la-region-de-victoriaville-au-quebec.html
Quel est le profils des marketeurs territoriaux en France ? Quelles sont les compétences professionnelles indispensables ? Quelles sont les meilleures formations ?
(VG) : Les profils sont assez divers en matière de formation initiale. Ce sont malgré tout souvent des personnes ayant travaillé dans et pour le secteur public. Certains ont des expériences dans le monde de l’entreprise.
Les formations manquent dans les universités, les grandes écoles et à Science Po. Il faut dire que malgré la taille du marché de l’emploi, les formations initiales sur le développement des territoires restent faibles. Ceci s’explique aussi par le fait que les formations appliquées à l’université étaient peu développées car pas assez valorisantes. C’est un enjeu important à combler, pas spécialement pour former des spécialistes à 100% mais pour inscrire des modules dans les formations.
Les formations continues se sont développées avec, parfois, des programmes copiés les uns sur les autres (cela m’est arrivé). On peut dire tout de même que ce volet-là s’est bien développé, idem pour les colloques.
Au niveau francophone, où chaque pays ou chaque espace en est-il en matière de développement du marketing territorial ? La langue française est-elle un levier suffisamment utilisée ?
(VG) : La France rayonne en marketing territorial dans les pays francophones et s’enrichit des pratiques qui s’y développent. Il manque malgré tout une entité de recherche pouvant inciter au partage d’expériences et défendre l’expertise francophone face aux modèles anglo-saxons. En ce sens, l’initiative du Cercle des Communicants Francophones est une base qui peut permettre de diffuser des outils et méthodologies à adapter dans la boite à outils des pays francophones.
Interview réalisée en octobre 2018
Découvrez également… l’interview de Virginie Mahé (Agence Bastille) : https://cercledescommunicants.com/2018/04/13/marketing-territorial-data-virginie-mahe-agence-bastille/
L’interview de Gildas Robert (Mairie de Paris) : https://cercledescommunicants.com/2016/10/09/avec-le-licensing-la-communication-publique-cesse-detre-uniquement-un-centre-de-couts-mais-devient-aussi-source-de-revenus/