Dans le cadre de l’opération #LaRouteDeLaCom, Lucie Goguillot (@Lucie_Gglt) a interviewé Hélène Bracon, Secrétaire générale du groupe écologiste au Conseil de Paris. Elle revient sur son métier et les enjeux de la communication politique.

Quelle est la spécificité et le rôle d’un groupe politique au Conseil de Paris ?

Hélène Bracon (HB) : Paris est unique dans son fonctionnement et son statut, aucune municipalité n’a autant de couverture médiatique. Il y a donc plus de visibilité sur les décisions et les actions du Conseil.

Actuellement nous avons 16 élus membres du Conseil de Paris dont 6 élus de l’exécutif (adjoint ou conseiller délégué à la Maire), qui s’occupent de sujets comme l’environnement, la voirie, la santé, l’économie sociale et solidaire…

Au sein de la majorité, le groupe écologiste a un poids politique important car c’est le plus important après le groupe Parti socialiste !

En quoi consiste votre rôle au sein du groupe Europe écologie les Verts (EELV) ?

(HB) :  Je suis salariée du groupe, j’aide les élus dans leur travail quotidien. Je me charge de valoriser leur travail, leurs actions (textes, amendements, vœux…) et les propositions faites. Par exemple, nous avons déposé une demande pour interdire l’utilisation des pailles en plastique dans la capitale. Mais je m’occupe aussi de mettre en scène les désaccords…

Mon job de Secrétaire générale est interne à la vie du Conseil et de la Ville. Pour la partie communication, une partie est dirigée vers le grand public, notamment via les relations presse, l’animation des réseaux sociaux (twitter est un outil qui marche bien en politique !). La communication digitale est importante.

Il y a également la communication plus interne au parti, comme la remontée d’info au parti et à ses militants, et de la communication intermédiaire (relais d’opinion, lien avec les associations, les syndicats, etc).

Qu’est-ce qui vous prend le plus de temps dans vos missions ?

(HB) :  Ce qui me prend le plus de temps, ce sont les relations presse. Nous sommes 7 collaborateurs, et le poste de communication est là aussi pour faire de la veille, ce qui est assez chronophage. Puis il y a le conseil aux élus : détecter un sujet, établir ce que l’on dit et construire le message et les actions (communiqué, amendement ou vœu, pétition…). C’est assez transversal, et les élus apprécient qu’on soit force de propositions.

Quel est votre parcours ?

(HB) : J’ai fait l’ECS Paris, avec un Master en communication publique et politique en contrat de professionnalisation. J’ai réalisé pas mal de stages dont un au Ministère de la culture et je me suis alors rendue compte que la communication publique m’intéressait. J’étais également engagée chez les jeunes écolos, j’ai entre autres été chargée de la communication durant la campagne de 2014 (sur le digital, la création et le rédactionnel).

Par la suite, j’ai continué à suivre EELV pour les européennes et on m’a proposé d’intégrer l’équipe du parti (pour m’occuper des journées d’été, des réseaux sociaux…). A noter qu’en 2014 EELV était un des partis les plus digitalisés de France ! Nous avions le compte Twitter politique le plus suivi. Nous avons été rattrapés depuis.

En septembre 2015, avec les élections régionales, j’ai rejoint l’équipe de campagne pour la communication d’Emmanuelle Cosse. Mais ce fut une période assez délicate car avec les attentats qui amenaient de la sobriété dans les messages, puis la Cop 21 qui était centrale sur l’écologie, il était difficile de jongler entre les deux tons de discours…

J’ai finalement été recontactée pour m’occuper de la communication du groupe au Conseil de Paris et désormais pour la reprise du rôle de Secrétaire générale !

Lorsque vous étiez chargée de la communication, quels étaient les principaux enjeux ?

(HB) : Il y a des enjeux communs à tous les groupes politiques : exister suffisamment auprès des parisiens et de la presse, pour en finalité exister politiquement (au vu des élections de 2020 notamment), c’est inhérent à la vie politique. Mais il y a aussi un contexte de restructuration politique du Conseil (et même au niveau national), auquel nous devons être vigilants.

Au niveau du groupe écologiste, il s’agit de se retrouver au milieu de tous les autres groupes politiques du Conseil avec tous les changements qui arriveront en 2020, et déterminer quelle stratégie adopter pour les prochaines élections municipales. C’est l’enjeu, à moyen terme.

Après, il faut faire bouger les choses sur les questions importantes pour nous avant la fin de mandat (par exemple la nature en ville, les réfugiés, le transport et la mobilité, le logement…).

Il y a un enjeu dans nos messages qui est ne pas dilapider trop notre parole lors des Conseils de Paris. En politique et notamment chez les écologistes, il y a malheureusement un lien trop rapidement fait entre communication et publicité, la promotion constante d’une forme de mensonge, donc il n’y a sans doute peut-être pas encore assez de pédagogie, pas assez de représentants visibles ou identifiés, mais c’est encourageant. Cela force à être ingénieux et pas conventionnel !

Quelle est selon vous la spécificité de la communication politique ? Est-elle plus compliquée que les autres types de communication ?

(HB) : C’est différent effectivement, avec des règles précises. Mais il y a en fait pas mal de brèches (un flou sur les réseaux sociaux par exemple). L’objet de communication n’est pas le même : ce n’est pas un objet ou un service, mais ce sont des idées (ou promesse) et des personnes que l’on met en avant. Et un politique est élu pour la durée de son mandat (5 ou 6 ans) même s’il y a des mécontentements donc c’est différent d’un retour produit, il y a moins de service après-vente ! Le fond de commerce est finalement la conviction. Mais il n’y a sans doute pas encore assez de dialogue (même sur les réseaux sociaux), souvent l’avis des électeurs vient avec le résultat de l’élection d’après.

Il y a une continuité également pour s’adapter et faire évoluer le parti, les idées et les élus.

Quels sont d’après vous les atouts essentiels pour faire votre métier ?

(HB) : Des convictions ! C’est plus simple pour valoriser les idées… Il faut être un peu psychologue aussi pour le travail avec les élus : être en capacité de gérer le stress, d’être réaliste, pédagogique et patient. Il faut savoir être prudent dans ses communications, ne pas se précipiter (on a envie de réagir vite mais peser ses décisions est important).

Également savoir prioriser, être rationnel : avoir une base solide pour être audible et être créatif pour la suite, penser hors cadre !

Comment voyez-vous l’évolution de la communication politique dans les années à venir ?

(HB) : Je crois que la relation entre élus et citoyens va évoluer : il y aura sans doute de plus en plus d’interpellation des élus, donc de comptes à rendre ! Il y a une tendance citoyenne à scruter plus donc la relation sera plus « égale » avec les Français. Les média faisant du fact-checking se développent d’ailleurs de plus en plus.

Globalement, en politique, je pense que la relation deviendra paradoxalement plus directe : avec un retour sur la place publique, des rencontres sur le terrain avec les gens (sur les marchés, etc) même si les réseaux sociaux sont importants. Il y a un besoin de points de rencontre physique car on joue sur l’humain et les convictions. Les politiques et les citoyens seront moins encartés ; la politique ne se fera plus uniquement à travers les partis mais, de plus en plus, avec différentes structures qui se politiseront (associations, think tanks…) pour prendre davantage part à la « chose publique ».

Interview réalisée par Lucie Goguillot en septembre 2018

Découvrez aussi l’interview du Porte-parole d’EELV Julien Bayou : https://cercledescommunicants.com/2017/11/30/porte-parole-parti-politique-communication-politique-julien-bayou/