Pour ce dîner consacré au mensonge en politique, le Cercle des Communicants et des Journalistes Francophones (CCJF) donnait la parole à 3 intervenants, spécialisés en communication politique et en journalisme dans l’espace francophone, pour apporter différents éclairages à cette problématique savoureuse. Une trentaine de personnes étaient venues ce soir du 22 novembre 2019 pour échanger et débattre avec passion du sujet.

Alors le mensonge en politique, nécessité avec laquelle il faut composer en tant que communicant politique ou bien corruption qu’il faut s’efforcer de combattre ?

Un ouvrage pour poser les bases de la réflexion

Le CCJF a commencé la soirée en remettant l’ouvrage collectif Communication politique (auquel Pierre-Emmanuel Guigo a apporté sa contribution) aux autres intervenants avec l’aimable concours des éditions Pearson France. Un ouvrage très instructif sur les méthodes de communication politique, ses aspects métiers et une ouverture sur l’international, le tout agrémenté d’exemples pratiques. De quoi introduire une réflexion plus ciblée sur l’une des problématiques récurrentes de la communication politique : le mensonge.

_livre_offer.jpgOdney Lundi, André Gallego, Christelle N’Dohi et Pierre-Emmanuel Guigo

Pour couvrir différents aspects de la question, le CCJF avait réuni  trois intervenants de la francophonie et de la communication politique : Christelle N’Dohi, responsable du médium GTKM (Get to know me) et journaliste politique, Pierre-Emmanuel Guigo, maître de conférences en histoire politique à Créteil Paris-Est et Sciences Po et André Gallego, journaliste et fondateur de France International Développement.

La soirée fut animée par Odney Lundi, étudiant haïtien, récemment diplômé du Master 2 Communication politique et institutionnelle à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Clara Malmonte réalisa les photos de la soirée.

Mise en perspective du mensonge en politique

_pe guigo.JPGPierre-Emmanuel Guigo, premier intervenant, a proposé une rétrospective historique et philosophique du mensonge en politique. Il est parti du premier discours construit sur la place inhérente du mensonge en politique chez Machiavel, puis a développé à travers la correspondance entre Benjamin Constant et Emmanuel Kant la dialectique autour du bienfondé de mentir (au nom d’un bien supérieur) et de l’exigence de vérité en toutes circonstances, sous peine d’entrer dans une dimension où le vrai est indiscernable du faux.

Pierre-Emmanuel Guigo a amené son auditoire à se prononcer sur l’absence de punition sur le plan juridique du mensonge en politique, ajoutant que le phénomène est devenu banal sur les réseaux sociaux et que les exemples de la volonté de tromper délibérément sont omniprésents dans la presse. Il note que le fact-checking (la vérification des faits), contrepoids aux fake news (aux fausses informations), intéresse peu. Selon lui, la conséquence est que face au mensonge des politiques, le citoyen finit par recourir à la violence. Ce phénomène d’embrasement mondial et révolutionnaire contre les politiques serait lié, pour lui, au fait que le mensonge conteste à chacun sa part de dignité. Il faudrait donc, pour contrer cette dérive, créer un délit de mensonge.

Confronter le politique à ses mensonges avec GTKM

_christel n'dohiChristelle N’Dohi, journaliste ivoirienne, a développé le media Get to know me (GTKM), pour pallier au manque d’informations des citoyens africains sur les personnalités politiques africaines. Ce média vidéo, très présent sur YouTube, permet de donner la parole aux politiques pour se présenter eux-mêmes. L’un des formats d’interview consiste à les mettre face à leurs mensonges de manière ludique en leur proposant 3 types de réponses, de la moins flatteuse à la plus avantageuse. Plus le politique choisit l’option avantageuse, plus cela révèle sa propension à embellir la réalité à son avantage. Christelle N’Dohi relève avec malice que le mensonge est peut-être incontournable pour le politique comme pour ses électeurs. Si l’on considère que le politique est d’abord motivé par le besoin d’être aimé et que les électeurs tendent à avoir une meilleure opinion des politiques qu’ils apprécient, alors le mensonge est une condition sine qua non pour arranger les choses. Et d’ajouter que certains politiques, mal-aimés malgré leur bon bilan, ne sont pas réélus au profit d’autres, moins compétents, mais dont la cote de popularité est plus élevée.

Être réaliste implique de prendre en compte le mensonge en communication politique

_andre g.JPGAndré Gallego considère la problématique par le prisme du métier de communicant : savoir parler à tous (un public hétérogène avec des conditions de vie très diverses, un niveau de culture et d’éducation très disparate), c’est savoir d’abord lire entre les lignes et mesurer l’impact de ce que l’on dit. Cela implique de diriger des millions d’individus avec un discours intelligible, quitte à simplifier les enjeux, taire certains faits, pour être cohérent aux yeux de tous.

André Gallego s’est notamment appuyé sur des cas de conscience : ne pas propager la panique en ne révélant pas toutes les informations, privilégier la raison d’Etat sur l’exigence de transparence sur des bases réalistes.

Synthèse réalisée par Samuel Cunéo