Interview de Jérôme Ramacker (artisancommunicateur.be), professionnel de la communication publique culturelle en Belgique.

Quels sont les enjeux de communication interne et externe des établissements culturels ?

Jérôme Ramacker (JR) : En externe, la diversité des publics appelle à une collaboration plus forte entre les métiers de la programmation et de la communication pour développer ensemble le positionnement de l’établissement. Ces derniers sont trop souvent intégrés en fin de projet alors qu’ils devraient être impliqués dès sa conception, pour concevoir des outils et des campagnes qui prolongent les expériences culturelles. En interne, il importe que chaque agent et partenaire soit porteur de l’image de marque de l’établissement. Partager les évolutions stratégiques et les réponses aux enjeux contemporains. Donner du sens à son rôle culturel.

Les institutions publiques communiquent-elles efficacement sur les réseaux sociaux ? Quelles sont les marges de progrès ? Devraient-elles davantage être dans la construction d’un dialogue avec les citoyens ?

(JR) : Même si l’arrivée de stagiaires ou de jeunes recrues fait varier la tendance, les institutions ont généralement appliqué les mêmes pratiques de communication du print au web. Leurs réseaux sociaux pullulent de promotion d’événements, d’incitation à l’achat, des textes rigides écrits pour des dossiers et non pour des internautes. Or, à chaque outil ses codes de communication. Si on veut construire une communauté, il faut d’abord « donner avant de recevoir ». Mais les institutions, par leur cadre décisionnaire souvent très hiérarchisé, sont dans l’incapacité d’interagir en direct. Ne rien faire plutôt que mal faire. On ne peut se tromper si une stratégie de communication et des lignes éditoriales sont définies en amont et collégialement. Faire confiance à sa communauté, belle marge de progrès à venir.

Sous l’impulsion du digital, le métier de graphiste pour une institution publique a-t-il beaucoup évolué ? Quelles sont les missions et les compétences nécessaires du graphiste de demain ?

(JR) : Le graphiste aura toujours pour mission d’interpréter visuellement les intentions de communication pour faciliter la transmission réussie du message. Que ce soit en mettant en page une brochure (certes davantage téléchargée qu’imprimée), en réalisant une affiche (qui se décline désormais en visuel pour les réseaux sociaux) ou la signalétique d’un projet (et sa version numérique). Il doit constamment se tenir au courant des influences pour rester connecté avec le public. Le digital lui impose de nouveaux outils numériques, de nouveaux canevas de travail… sans changer fondamentalement son talent complémentaire.

Les affiches sont-elles un outil de communication désuet ? Comment régénérer leur utilisation ?

(JR) : Les affiches restent un outil culturellement ancré dans notre société. Par leur facilité de réalisation, d’impression et de diffusion. Elles font partie de nos habitudes d’information. Certains événements ont tenté de les supprimer pour des raisons écologiques mais y sont revenus faute d’équivalent aussi puissant. Par contre, on peut imaginer une évolution de sa fonction de communication qui ne se limiterait plus uniquement à une annonce éphémère qui pousse à l’action. On connaît déjà la deuxième vie d’une affiche devenant produit de merchandising. Ou le QR Code qui permet d’associer le print au numérique, en donnant l’occasion d’écouter par exemple un morceau de musique face à l’affiche du chanteur. Et si la médiation culturelle s’en saisissait ? Et si l’affiche numérique devenait un portail connecté ? De l’information à la communication, du vertical à l’horizontal.

De plus en plus d’institutions publiques recourent à des influenceurs du digital. Pour vous, est-ce opportun ? Que faut-il faire pour que cela soit une réussite et éviter les crises ?

(JR) : Les influenceurs existent depuis bien avant le digital en stratégie de communication. Mais à cette question, on pourrait se demander s’il ne vaudrait pas mieux acquérir les compétences en interne plutôt que de faire appel à l’externe. Devenir soi-même influenceur au lieu de dépendre d’autrui. Si des partenariats de visibilité permettent de toucher de nouveaux publics, l’enjeu suivant sera de les conserver dans sa propre communauté. Or, si le mode de communication établi est la chaîne YouTube ou la story Instagram, il y a lieu dès lors d’investir celui-ci pour garantir la pérennité du lien. A défaut, on risque de retomber dans une communication qui ne correspond pas au public acquis.

Interview publiée en janvier 2020


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