La série sur le journalisme dans l’espace francophone se poursuit. Découvrez l’interview du journaliste et consultant en communication Kisselminan  Coulibaly. Il est, actuellement, chef des services politique nationale, économie et société du quotidien indépendant ivoirien L’inter (qui appartient au groupe Olympe). Son point de vue est personnel et n’engage pas la responsabilité du Cercle des Communicants et des Journalistes Francophones (CCJF).

Pour vous, à quoi servent les médias ?

Kisselminan  Coulibaly (KC) : Les médias, au sens courant du terme, sont des moyens de diffusion de l’information et de communication. Ils servent à informer, à éduquer et à divertir.

Le terme s’applique aux médias traditionnels (presse, radio, télévision), mais aussi, aux nouveaux médias (web télé, journaux en ligne…), ainsi qu’aux médias sociaux (facebook, twitter, Instagram, Snapchat…). Cette dernière catégorie a bouleversé l’univers des médias et a conduit à la naissance de nouveaux métiers (journaliste web, webmaster, community manager…).

Parce qu’ils transcendent les barrières de toutes sortes, les médias permettent la libre expression. Ils sont un exceptionnel moyen pour défendre certaines causes, dénoncer des injustices ou des travers, révéler ce qui est caché.

Faites-vous une différence entre journaliste et communicant ? Si oui, laquelle ?

(KC) : La différence tient aux missions des deux corps de métiers. Le journaliste collecte des informations, les traite et les met à la disposition du public. Il peut travailler pour une entreprise, une maison de presse, tout comme, il peut travailler à son propre compte (journaliste indépendant). Le journaliste se distingue, dans son activité, par une grande liberté d’action… dans les limites prévues par la loi bien évidemment.

Le communicant est un professionnel qui défend une idée, un projet. Il met en œuvre une stratégie de communication. A travers le monde, les hommes politiques ont recours à des communicants pour les aider à réaliser une ambition. De même, les  grandes enseignes se servent de spécialistes de la communication pour gérer leur image.

Quels sont les grands médias écrits et audiovisuels dans votre pays ? A qui appartiennent-ils ? Quelle est leur ligne éditoriale ?

(KC) : En Côte d’Ivoire, comme dans la plupart des pays en développement, les médias publics ont une prédominance. Dans l’audiovisuel, la Radiodiffusion télévision ivoirienne mène le bal. A côté des trois chaînes de télévision de service public existent quatre chaînes de télévision commerciales dont la plus connue, Life Tv.

Au niveau de la presse, Fraternité Matin, qui est public, a le plus grand nombre de tirage (20.000 exemplaires), suivi des journaux du groupe indépendant Olympe (Soir info & L’inter). Une vingtaine de journaux paraissent régulièrement. Ils sont, assez souvent, pour les quotidiens, financés par des groupes d’intérêt politiques.  

 Quelles sont les difficultés d’exercice du métier de journaliste dans votre pays ?

(KC) : L’accès aux sources d’information reste une difficulté majeure. La création d’une Commission d’accès à l’information et aux documents d’intérêt public n’a pas totalement comblé les attentes des journalistes. Ces derniers n’ont pas toujours les informations souhaitées et la transmission de documents, dans des délais parfois longs, est source de contrariété.

Ces dernières années, il n’a pas été rare de voir des journalistes convoqués à la brigade de recherches de la gendarmerie ou à la préfecture de police. Cette situation crée de la peur chez des hommes de médias qui manifestent peu d’enthousiasme à traiter des sujets sensibles.

Quels sont pour vous les 3 plus grands journalistes de votre pays ? Pourquoi ? Quels sont les journalistes de votre pays qui sont pour vous des modèles ?

(KC) : L’objectivité et la créativité me paraissent être des défis majeurs pour les pays du Sud. Sur cette base, certains journalistes pourraient être cités en exemple. D’abord, David Youant, patron d’une agence de presse indépendante Alerte info, la toute première en Afrique, spécialisée dans la production et la diffusion de l’actualité par Sms, sur le Web et application mobile pour smartphones. Cet ancien de l’AFP a été, en 2016, lauréat du 2e Prix francophone de l’innovation dans les médias, décerné conjointement par l’OIF, Reporters sans frontières et RFI.

Ensuite, André Silver Konan, journaliste à Jeune Afrique, double lauréat du Prix spécial Norbert Zongo du journalisme d’investigation en Afrique de l’ouest (2007 et 2011). Dans un contexte de journalisme partisan, André Silver Konan fait un effort d’objectivité dans ses analyses.

Que faudrait-il faire selon vous pour améliorer le journalisme dans votre pays ?

(KC) : Repenser le modèle économique de la presse serait salutaire pour le secteur. L’environnement économique actuel des médias contribue à une certaine fragilité chez des journalistes. Beaucoup parmi eux tirent une grande partie de leurs revenus des indemnités de déplacement appelées dans le jargon « per diem ».  

Par ailleurs, de nombreux tabloïds, parce que parrainés par des hommes politiques, éloignent de l’indépendance journalistique.

Une solution consisterait à favoriser l’émergence de groupes indépendants soutenus par des organismes internationaux.

Une autre solution à l’amélioration de l’environnement des médias proviendrait des nouvelles technologies, une voie qui a commencé à être explorée par des entreprises de presse.

De la part des journalistes, il est attendu plus de responsabilité et une bonne formation.

Interview publiée en septembre 2020

Vous souhaitez vous aussi être interviewé ? Découvrez la liste de questions : https://cercledescommunicants.com/2019/02/23/journalistes-francophones-journalisme-francophonie/