Dans cette interview Eric Giuily, Président du cabinet de conseil en stratégie de communication corporate et institutionnelle CLAI, évoque la communication publique, les débats publics et la communication de crise.
Comment définiriez-vous la communication publique ?
Eric Giuily (EG) : Pour moi, la communication publique et la communication politique sont deux choses différentes : la communication publique vise à informer, mobiliser les citoyens ou certains groupes de citoyens ou modifier leur comportement sur un sujet spécifique, une problématique qui fait l’objet d’une politique, d’une action décidée et mise en œuvre par une autorité publique.
La communication politique a pour objet de promouvoir des personnalités ou des partis politiques, des élus ou des candidats à une élection, dans leur conquête du pouvoir ou pour la prolongation de leur mandat.
Estimez-vous que la communication publique et la communication politique sont parfois mélangées ? Si oui, auriez-vous des exemples ? Faut-il éviter ces mélanges ? Si oui comment ?
(EG) : Les détenteurs de mandats politiques ont fréquemment tendance à confondre communication publique et communication politique. Les journaux municipaux sont un exemple plus que fréquent d’utilisation d’un outil de communication publique à des fins politiques et souvent même de promotion personnelle, même s’il est indéniable que l’action publique doit toujours s’incarner.
A l’autre bout de l’échelle, lorsqu’un gouvernement lance une campagne de communication pour expliquer une réforme et en faciliter l’adoption ou la mise en œuvre, il est dans le registre de la communication publique. Mais si les mesures en question font l’objet d’une forte controverse politique, d’une hostilité de l’opposition, d’un large débat dans l’opinion, la communication publique se transforme en communication politique, que ses auteurs le veuillent ou non.
Cela a conduit à prohiber les campagnes publiques pendant les périodes électorales, ce qui est sage. Pour le reste, il appartient aux titulaires de mandat public de faire preuve de discernement et de retenue, sous le contrôle de l’opposition.
Quelles sont pour vous les grandes étapes de l’émergence de la communication publique ?
(EG) : La communication publique existe depuis qu’il y a des autorités publiques : celles-ci ont toujours eu besoin de faire connaître et expliquer leur action. Seules ont évolué, avec la société elle-même et les technologies, l’intensité et les formes de cette communication.
Les grandes étapes de l’évolution de la communication publique correspondent en premier lieu à celles des médias, du crieur public aux réseaux sociaux en passant par l’affichage, la presse, la radio et la télévision. Mais aussi à l’évolution des attentes des citoyens largement dictées par celle des moyens d’information mais aussi par l’élévation du niveau d’éducation comme par la complexité croissante de la vie collective …et le développement des politiques publiques.
Pourriez-vous nous donner 1 ou 2 exemples de débats publics que vous avez mis en œuvre ?
(EG) : Je voudrais citer deux exemples de débats publics que j’ai eu à organiser pour des clients très différents. Le premier en 2008 pour le ministère chargé de la fonction publique sur la réforme de celle-ci. De manière assez novatrice pour l’époque, nous nous étions appuyé à la fois sur des débats lors de réunions physiques et sur des échanges sur une plate-forme numérique. Dans un premier temps, nous avons lancé un appel à propositions puis nous avons organisé des tables rondes virtuelles sur ces suggestions avant de les faire noter par les internautes. Les synthèses de ces débats virtuels, et notamment les propositions les mieux notées, ont servi de base à ceux des réunions physiques.
Le second cas est celui d’une entreprise industrielle dont l’activité a une forte empreinte sur l’environnement et qui sollicitait une nouvelle autorisation d’exploitation soumise à enquête publique. Nous avons organisé des réunions publiques avec les organisations de défense de l’environnement dans les différentes communes concernées, avec les élus et fait intervenir des scientifiques. Le tout accompagné par le développement de contenus détaillés sur un site internet ad hoc et par la distribution de « flyers » dans les boites aux lettres des communes dont les élus avaient pris des positions défavorables au projet. Les conclusions de l’enquête publique ont été favorables au renouvellement de l’autorisation.
Avez-vous déjà fait de la communication de crise ? Pourriez-vous expliquer le contexte ? Quels conseils donneriez-vous vous éviter au maximum des crises en communication publique ?
(EG) : Le cabinet que j’ai lancé il y a 10 ans a une très grande expérience en matière de communication de crise. Nous sommes classés parmi les acteurs « incontournables » dans ce domaine par le Magazine Décideurs.
Il y a 3 règles d’or dans ce domaine :
– se préparer en période calme pour acquérir les bons réflexes et définir la bonne organisation et les moyens à mettre en œuvre le jour où la crise se produira
– garder la maîtrise de la communication une fois celle-ci survenue, c’est-à-dire être proactif et en même temps préserver la rareté et la sobriété de sa parole, s’exprimer à bon escient et avec parcimonie
– toujours évaluer les conséquences de la crise une fois celle-ci terminée pour engager les actions permettant de restaurer son image et prendre les mesures qui permettront d’éviter une nouvelle crise ou à tout le moins gérer plus efficacement celle-ci.
Interview publiée en septembre 2020
Vous souhaitez répondre à une interview ? Contactez-nous : https://cercledescommunicants.com/2019/08/01/profitez-de-lete-pour-repondre-a-une-interview-ecrite/
Crédits image : Acteurs publics