A l’occasion de la Journée internationale de la francophonie qui a lieu chaque année le 20 mars, le Cercle des Communicants et des Journalistes Francophones (CCJF) a interviewé Oria Kije VANDE WEGHE, Directrice de la communication de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et Porte-parole de la Secrétaire générale de l’OIF.

L’Organisation Internationale de la Francophonie vient de publier un ouvrage sur “la francophonie de l’avenir“. C’est quoi “la francophonie de l’avenir” ? Quels en sont les piliers ? Est-ce une façon de rompre avec une ancienne conception de la francophonie, avec “la francophonie du passé” ?

Nous avons voulu marquer l’anniversaire des 50 ans de la Francophonie par ce livre qui a été réalisé en partenariat avec les Editions Autrement, de chez Flammarion. Le titre « La Francophonie de l’avenir » est en fait le slogan que nous avions donné à cette année du Cinquantenaire, un clin d’œil pour nos populations qui sont en majorité très jeunes dans l’espace francophone. Le livre retrace en images et en textes, la Francophonie d’hier, d’aujourd’hui et de demain…Par cet ouvrage, nous avons surtout voulu raconter, transmettre et inscrire dans le temps les valeurs et les ambitions de cette institution qui regroupe 88 Etats et Gouvernements de par le monde. Nous avons constaté que notre institution est très méconnue du grand public, très peu de personnes comprennent exactement ce que fait la Francophonie, quelles sont ses missions. Quoi de mieux qu’un beau livre coloré pour rendre accessible à tous notre travail ?

Pensez-vous que la langue française et ses variations francophones véhicule des valeurs différentes de l’anglais ? Si oui lesquelles ?

Non je ne pense pas que la langue française véhicule des valeurs différentes de l’anglais ou d’autres langues car la langue, quelle qu’elle soit, est avant tout un outil de communication et d’échange. Et une langue peut véhiculer le meilleur comme le pire selon ce qu’on en fait. Par contre, je pense que la langue française a été un trait d’union, un lien fort entre pays partageant probablement beaucoup de valeurs… ou, du moins, ayant le souhait de partager. Aujourd’hui, je pense que le défi pour la langue française, si on doit la comparer à la langue anglaise, est de parvenir à se détacher de son image un peu élitiste, d’une langue compliquée à apprendre, pour embrasser pleinement son identité de langue multiculturelle. Le français doit pouvoir, au même titre que l’anglais, devenir une langue d’échange, d’affaires, de tourisme, d’innovation etc.

Auriez-vous quelques exemples d’expressions belges, africaines et québécoises qui ont été reprises par les autres pays francophones ? Pourquoi a-t-on aussi peu d’expressions africaines qui ont été reprises en France, en Belgique et au Québec ?

En tant que rwandaise, je peux vous dire que beaucoup d’expressions belges se retrouvent dans le langage des francophones au Rwanda. Comme « toquer à la porte » ou « goûter » dans le sens de « avoir le goût de ». Cela est dû, en grande partie, au fait que le pays étant une ancienne colonie belge. Pendant longtemps la majorité des occidentaux présents au Rwanda étaient des Belges. En réalité, je pense que le partage d’expressions a beaucoup à voir avec la consommation de produits culturels. Il se trouve qu’aujourd’hui les Africains francophones écoutent beaucoup de musique française, regardent des films français, belges etc. Les produits culturels africains peinent à s’exporter massivement en Occident, ce qui pourrait expliquer la non-réciprocité. Même si on note quand même l’émergence de certaines expressions comme « s’ambiancer » ou « s’enjailler » qui viennent de la musique ouest africaine, de plus en plus populaire même en Europe.

L’OIF œuvre à la consolidation de l’indépendance des médias et à la promotion de la liberté de la presse. Sur ces points, quelles sont les actions concrètes de l’OIF ?

Il est vrai que l’OIF fait la promotion de la liberté de la presse et de l’indépendance des médias. En réalité, depuis quelques années, l’Organisation Internationale de la Francophonie a recentré ses activités en la matière sur le « fact checking » (la vérification des faits en bon français), la régulation des médias et le soutien des médias en période électorale. Dans la programmation actuelle, nos actions en faveur des médias sont plutôt ponctuelles et sur projets, notamment à travers des partenariats avec des organismes comme Reporter Sans Frontières (RSF) ou d’autres actifs dans ce domaine.

Vous êtes Porte-parole et Directrice de la communication de l’OIF. En quoi consistent vos missions ? Avez-vous en charge uniquement la communication politique ou également la communication publique de l’OIF ? Quels sont les grands projets à venir de l’OIF en matière de communication ?

Je suis arrivée à l’OIF en tant que Porte-parole de la Secrétaire générale. C’est après une année que j’ai candidaté, avec succès, sur le poste de Directrice qui s’est libéré entre temps. Je cumule aujourd’hui les deux fonctions. Alors, comme tout « dircom » je suis en charge de la communication interne et externe de l’institution, avec tout ce que ça implique en termes de communication stratégique, d’événementiel, de campagnes de communication, etc. Le plus grand défi auquel je fais face, c’est celui de la visibilité des actions de l’OIF. Notre organisation est en fait très peu connue du grand public, et ce, malgré les nombreux programmes qui s’adressent directement aux populations de nos Etats et Gouvernements membres. La Francophonie a longtemps eu une image très politique, très institutionnelle et ce au détriment de la visibilité des actions concrètes et de terrain déployées dans tout l’espace francophone. Nous avons commencé à changer cela, avec une plus grande présence sur les réseaux sociaux et une approche plus jeune, plus dynamique. Mais le défi reste grand.

Vous êtes rwandaise. Le Rwanda est à la fois francophone et anglophone. En matière de communication publique et de communication politique, les responsables politiques rwandais communiquent-ils à chaque fois dans les deux langues ? Y a-t-il d’autres langues ou dialectes qui sont utilisés au Rwanda par les institutions publiques et les responsables politiques ?

C’est vrai ! Le Rwanda est un pays à la fois anglophone et francophone, même si l’anglais ne s’est ajouté que récemment dans l’histoire du pays. Mais la particularité de mon pays et que tous les Rwandais partagent une même langue : le kinyarwanda… ce qui facilite grandement la communication entre les anglophones et les francophones. Les responsables politiques Rwandais s’expriment donc généralement en kinyarwanda lors de leurs communications publiques nationales et, à l’international, cela dépend souvent de la langue avec laquelle ils sont le plus à l’aise ou de la langue utilisée par leur audience s’ils sont bilingues.

Interview réalisée par Damien ARNAUD, Président du Cercle des Communicants et des Journalistes Francophones (CCJF)