La série d’interviews sur le journalisme dans les pays francophones continue ! Voici celle d’Haby Niakaté, journaliste franco-malienne vivant en Côte d’Ivoire. Il s’agit de son opinion personnelle, laquelle n’engage pas le Cercle des Communicants et des Journalistes Francophones.
Pour vous, à quoi servent les médias ?
Haby Niakaté (HN) : Expliquer. Exposer. Dénoncer.
Expliquer, dans leurs multiples dimensions et enjeux, les faits d’actualité. Que ces derniers émanent des autorités politiques, des acteurs économiques ou culturels.
Exposer les talents, les dons, les exploits, les particularités des uns et des autres.
Enfin, dénoncer les dérives dans les différentes sphères de notre société, lorsque celles-ci menacent le bien-être commun. Pour moi, les médias sont donc, par essence, engagés.
Faites-vous une différence entre journaliste et communicant ? Si oui, laquelle ?
(HN) : La différence est de taille. Le journaliste travaille pour son média et ses lecteurs. Le contrat le liant à ces derniers reposant sur une certaine déontologie dans sa tâche et la véracité de ses informations.
Le communicant travaille quant à lui pour un client (particulier, institution, entreprise…). Le contrat le liant avec ce dernier reposant sur l’efficacité et la capacité à séduire une cible donnée.
Quels sont les grands médias écrits et audiovisuels dans votre pays ? A qui appartiennent-ils ? Quelle est leur ligne éditoriale ?
(HN) : Je vis aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Un pays où les rangs de la presse écrite sont bien fournis. Il y a une dizaine de grands titres, tous très politisés, appartenant pour la majorité d’entre eux à des entrepreneurs indépendants et qui sont financés au grand jour ou en sous-mains par des partis politiques. Leurs lignes éditoriales sont donc guidées par les intérêts du parti ou de l’homme politique qui les finance. Il existe un journal d’Etat, Fraternité Matin, dont la ligne éditoriale fluctue au gré des changements de directeur. Un modèle que suivent également la plupart des médias en ligne.
Le secteur de la télévision vient quant à lui d’être libéralisé. La Côte d’Ivoire étant, de manière surprenante, l’un des rares pays africains à n’avoir – aujourd’hui encore – que deux chaînes de télévision, toutes deux publiques. Toutefois, la situation est en train d’évoluer. Plusieurs chaînes, privées, devraient ainsi voir le jour en fin d’année.
Quelles sont les difficultés d’exercice du métier de journaliste dans votre pays ?
(HN) : La presse écrite ivoirienne est, économiquement, en souffrance. Une situation que l’on retrouve évidemment dans la plupart des pays ouest-africains et dans le monde.
A cette difficulté, s’ajoute, la politisation extrême des journaux ivoiriens qui, d’une part, réduit l’électorat potentiel de chaque titre, et d’autre part, décrédibilise chacun d’eux. Un cercle vicieux qui paupérise les journaux, et donc, les journalistes.
Il réduit aussi considérablement le nombre d’opportunités pour les journalistes souhaitant exercer leur métier de manière libre et indépendante. Beaucoup se murent dans l’auto-censure lorsque d’autres se reconvertissent rapidement, vers la communication notamment.
Que faudrait-il faire selon vous pour améliorer le journalisme dans votre pays ?
(HN) : La libéralisation (en cours) du secteur de la télévision ivoirienne apportera un grand bol d’air frais au journalisme dans le pays. Ces nouvelles chaînes, financées par le secteur privé seront, je l’espère, de nouveaux espaces d’expression pour les Ivoiriens mais aussi pour les journalistes ivoiriens.
L’amélioration du journalisme en Côte d’Ivoire passera aussi par des investissements plus conséquents dans les écoles de journalisme, notamment en matériels, logiciels, mais aussi en financement de bourses spéciales pouvant permettre plus d’échanges avec les écoles de journalisme du monde entier.
Interview réalisée par Damien ARNAUD et publiée en novembre 2019
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