Interview de Marianne Rolot, fondatrice de l’agence Conseil Marianne Europe sur les évolutions de la communication politique.

Qu’est ce qu’un bon discours politique ?

Marianne Rolot (MR) : Un bon discours est un discours qui émeut, sincère, avec une vision et qui ne raconte pas de salades. Il doit être compris par tous. Il doit en émaner une forme de puissance communicative. Il doit engager à l’action par la seule force de ses mots ou de la présence de l’orateur. Les meilleurs discours dont on se souvient : Le Général de Gaulle (Je vous ai compris), L’abbé Pierre (l’appel à la solidarité de l’hiver 1954) ou dans le même registre Sœur Emmanuelle et Coluche pour les Restos du cœur, Martin Luther King (I have a dream) ou encore Greta Thunberg au Nations-Unies. Ces discours qui ont marqué provenaient tous de personnes initialement en dehors de la politique et qui avaient déjà une forte audience dans les médias et dans la société.

De quoi la communication politique a-t-elle besoin pour se régénérer ?

(MR) : Indéniablement de proximité et de sincérité. Nos maires, par exemple, sont devenus des « élites ». Ils se retranchent parfois derrière des personnes qui les protègent ou ne font confiance qu’à quelques-uns. La vraie communication, celle que l’on voit renaître lors des campagnes électorales par nécessité, renaît alors, imparfaite certes mais plus proche. Et là, les élus ou futurs élus ou politiques sont tenus de faire preuve de plus de sincérité et d’authenticité. Dans ces moments d’ailleurs propices à la confidence, on perçoit aussi que ces personnes ne sont pas que l’incarnation d’un pouvoir politique mais aussi des personnes avec leurs points forts et leurs faiblesses, y compris émotive.

Auriez-vous deux ou trois exemples de personnalités qui communiquent efficacement sur Instagram ?

(MR) : Nicolas Mayer Rossignol, qui brigue la mairie de Rouen et était autrefois le président de la Région Haute-Normandie, utilise très bien les réseaux sociaux. Il a un compte Instagram qui fonctionne bien… même si j’avoue que je ne suis pas une spécialiste de ce réseau social.

Les femmes politiques communiquent-elles de la même façon que les hommes politiques ?

(MR) : On a un grand modèle avec Simone Veil. Ce qui l’a rendue remarquable c’est son courage à défendre une loi. Et ce qui lui a donné ce courage, c’est très probablement ce qu’elle a subi dans les camps de concentration. Elle avait cette conviction et cette sincérité, alliée à une détermination, que peu de personnes ont.

Après, j’ai un souvenir admiratif de la campagne menée par Ségolène Royal lors des élections présidentielles de 2007. Déjà, parce qu’elle était une femme, ensuite par le thème original et puis sa ténacité et la sensibilité dont elle a fait preuve notamment à la fin. Certain ont dit que c’était la fin de sa carrière politique. Je crois au contraire qu’elle a fendu sa carapace à ce moment-là et montré qu’elle n’était pas seulement la « mégère » que la presse voulait nous décrire. Une femme peut être plus sensible, plus directe, mais une femme qui n’a pas de qualité reste une femme qui n’a pas de qualité. Il faut par conséquent de l’intelligence, y compris émotionnelle, et une grande capacité d’adaptation pour pouvoir franchir le plafond de verre et parvenir à s’imposer.

La communication politique se réduit-elle aujourd’hui, notamment avec les réseaux sociaux, à des formules choc, à des petites phrases ?

(MR) : La communication politique pâtit de la croyance dans les éléments de langages qui s’apparentent à une technique de lobbying. Cela canalise la communication politique dans des mots qui enferment et sont répétés en boucle pour éviter une éventuelle dérive.

Cela dit, la communication politique me semble-t-il va bien au-delà. Il y a un aspect que l’on connaît peu qui est le soutien dont bénéfice la personne politique par le biais de son équipe. Il y a la préparation aux confrontations publiques (notamment la préparation aux questions et certains). Il y a aussi la préparation des dossiers thématiques pour proposer des solutions et le travail législatif…

La communication politique a de beaux jours devant elle car les femmes et les hommes politiques ne peuvent pas rester seuls. La différence entre les différents politiques est la qualité de leurs conseillers. Bien s’entourer est donc la clé. Il faut avoir le courage de se séparer des conseillers qui ne font pas l’affaire.

Interview publiée en juin 2020


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