Interview de Bénédicte Amélé Adzoxonou, consultante en communication et rédactrice web de nationalité togolaise, diplômée d’un Master II en Communication Politique et Organisations à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Côte d’Ivoire.

Dans une interview, Dominique Wolton a estimé que la communication politique est au bord du précipice. Êtes-vous d’accord ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Quels sont les principaux maux de la communication politique ?

Bénédicte Amélé Adzoxonou (BA.A) : La communication politique est à la fois un concept et un processus. Elle est très complexe tant dans sa définition que dans sa mise en œuvre. De ce fait, même les acteurs de cette forme de communication ont du mal à la cerner. Elle est très souvent assimilée à la propagande, ce qui n’est pas le cas. Aujourd’hui, malheureusement oui, la communication politique est au bord du précipice du fait des nombreux amalgames et confusions autour de ce concept. Vu que la communication politique est encore très floue, il est logique qu’elle rencontre des difficultés et qu’elle sombre petit-à-petit. De nos jours, les principaux maux de la communication politique sont selon moi l’incompréhension du  ‘’concept- processus’’, la manipulation et la surinformation.

Les personnalités politiques sont-elles condamnées à dire ce que les citoyens veulent entendre ?

(BA.A) : Je pense que la vraie question qui se pose c’est qu’est-ce que les citoyens veulent entendre ? Et si nous tolérons le dialogisme et pratiquons la démocratie dans nos pays, il serait plutôt judicieux pour les personnalités politiques de tenir des discours politiques conciliants au risque de ne satisfaire qu’une infime partie des citoyens.

Pourquoi d’après vous les communicants politiques sont-ils si détestés ?

(BA.A) : Le communicant politique est cette femme ou cet homme de confiance qui accompagne la personnalité politique tout au long de sa carrière. Pour l’opinion publique et certains professionnels des médias, le communicant politique est celui ou celle qui guide les actions du politique. C’est lui qui le façonne et détient d’une certaine manière, le pouvoir de décision. Aujourd’hui, on assiste à une réduction de la communication politique à la propagande et au marketing politiques. On est plus centré sur la manipulation et des méthodologies ne s’accentuant que sur l’image du candidat. Ce qui ne va forcément pas dans l’intérêt des citoyens qui attendent plus d’où certaines frustrations. Mais il est bon de retenir que le communicant politique n’est pas le candidat.

En quoi consiste le métier de communicant politique ?

(BA.A) : Le métier de communicant politique consiste à faire de telle sorte que la personnalité politique puisse atteindre ses objectifs. Le communicant politique est un homme de terrain travaillant non seulement pour le candidat mais aussi pour les citoyens (pour l’intérêt général). A la fois négociateur et diplomate, le communicant politique est à la fois à l’écoute de la personnalité politique, des citoyens et des médias. Il recueille toutes les informations susceptibles soit d’avantager la personnalité politique soit de la nuire et de ruiner sa carrière en vue d’anticiper sur les évènements. Pour ma part, je définirai le métier de communicant politique en un mot : la polyvalence.

« Avant une campagne, le communicant politique doit passer toute la vie du candidat au peigne fin, c’est l’étape du confessionnal, car il y aura toujours des boules puantes » (Jacky Isabello). Pensez-vous que le candidat confesse vraiment à son conseiller tous ses vilains petits secrets ? N’y aurait-il pas un danger pour le candidat ?

(BA.A) : Au cours d’une campagne électorale, l’on construit une communication sur la personnalité politique en campagne. Ici, il ne s’agit pas d’une communication autour d’un produit, d’une marque ou d’une institution. C’est une communication axée sur une personne. Il faut alors tout prévoir et le message véhiculé par la personnalité politique doit être concis. De ce fait, il est opportun en tant que candidat de faire confiance à son équipe de campagne. Hélas, parfois des secrets concernant même la vie privée du candidat font surface et sont utilisés par ses adversaires. L’incapacité à gérer l’explosion de ces bombes liées à la vie des candidats montre qu’il n’y a pas eu de prévision préalable pour la gestion de tels problèmes. Cette situation est-elle liée à une incompétence ou un manque de confiance ? Je dirai plutôt un manque de confiance.

Dans votre pays, la distinction entre la communication publique et la communication politique est-elle claire ? Si oui, comment définissez-vous chacun des termes ?

(BA.A) : Dans plusieurs pays, faire la distinction entre communication politique et communication publique est assez problématique. Les concepts sont encore flous, les frontières poreuses et l’on a tendance à les confondre. Au Togo, il est encore difficile de distinguer clairement la communication publique de la communication politique. En effet, ce n’est qu’en 2019, et ce, après des décennies d’attente que les élections locales ont eu lieu. L’on espère toujours que les institutions publiques soient clairement mises en place. Alors que la communication politique a pour objet la politique, la communication publique vise quant à elle, à accompagner le développement des territoires et des collectivités. La communication publique est indéniablement rattachée aux organisations publiques.

Interview publiée en octobre 2020