Le 4ème Dîner des Communicants Politiques s’est tenu le 25 avril 2019. Trois heures de débat, de réflexion, d’apports théoriques et pratiques, sur les évolutions de la communication politique dans les collectivités territoriales mais aussi en Allemagne et en Afrique.

IMG_5481.jpgMyriam Dembelé, jeune diplômée en communication, a d’abord présenté les deux dernières campagnes électorales d’Alassane Ouattara (celle de 2010 et de 2015) pour accéder à la Présidence de la République de Côte d’Ivoire.

Elle a dégagé trois enseignements de ces campagnes pilotées par l’agence Voodoo Communication : d’abord, le candidat n’est jamais présenté seul mais entouré de personnes représentant toutes les couches sociales de la population (écoliers, cadres, femmes, nourrices…) ; ensuite, sur ses affiches le candidat Ouattara disait ce qu’il voulait faire et donnait sa vision du pays (par exemple il proposait de supprimer les frais d’accouchement et de construire 65 000 classes primaires), son slogan était simple mais efficace “Ado solutions” ; enfin, le candidat fait du lobbying local, se rendant dans les villages pour offrir des vivres, du matériel agricole et promet, s’il est élu, des dons ou des actions locales. Les chefs des communautés ont fait campagne pour ce candidat. Tout cela a porté ses fruits puisque Alassane Ouattara a été élu en 2010 Président de la Côte d’Ivoire.

En 2015, le Président Ouattara part à nouveau en campagne pour être réélu. Une campagne avec un très gros budget, des affiches d’une qualité remarquable et un slogan simple mais encore une fois efficace : “Avec Ado”. Il fait moins de lobbying local auprès des chefs des communautés. Cela ne l’empêche pas de gagner pour la deuxième fois mais il faut signaler que le taux de participation a beaucoup baissé (52% contre 80% en 2010). “On a fabriqué un produit politique mais la promesse politique ne semble pas tenue si bien qu’en 2020 je pense qu’il faudra surtout suivre Guillaume Soro, l’ancien président de l’Assemblée nationale et nouvelle coqueluche des réseaux sociaux” conclut Myriam Dembelé.

IMG_5492Deuxième intervention : Jean-Pascal Ruiz, collaborateur politique d’une Sénatrice française de premier plan et enseignant à Nanterre. Il aborde les métamorphoses de la communication politique dans les collectivités.

Il revient sur le développement de la communication interne qui permet de faire de la communication politique. “La communication interne, c’est dans une certaine mesure de la communication politique” explique-t-il, car n’oublions pas qu’on estime qu’un agent public impacte positivement ou négativement 7 personnes. Jean-Pascal Ruiz est ensuite revenu sur la période de réserve électorale au sein des collectivités qui va débuter le 1er septembre 2019 (6 mois avant les élections municipales) et sur les principes à respecter : égalité des candidats, sincérité du scrutin… Il achève son intervention en indiquant que, pour lui, l’innovation des prochaines élections municipales ce sera la généralisation de l’utilisation des données par les équipes des candidats.

IMG_5507Nicolas Hubé, enseignant-chercheur en communication politique, spécialiste de la politique Allemande et Responsable du Master 2 Communication politique et institutionnelle à Paris I Panthéon-Sorbonne, a ensuite tracé les grandes lignes de la communication politique en Allemagne.

Quelques idées phares de son intervention. La Chancelière n’a pas de compte Twitter. Chaque ministre allemand dispose d’un porte-parole. Les communicants politiques issus du monde journalistique peuvent sans difficulté redevenir journalistes quand ils cessent de travailler en politique. “Les campagnes politiques sont apaisées, il y a moins d’agressivité verbale qu’en France, car le système allemand des coalitions a pour conséquence que celui qui est un adversaire pendant la campagne sera peut-être un allier après celle-ci” explique également Nicolas Hubé. Par ailleurs, les journalistes Allemands n’évoquent pas les coulisses politiques et les petits coups politiques et quant au off, il est beaucoup plus respecté qu’en France car celui qui viole le off est rejeté par son cercle de journalistes. Enfin, Nicolas Hubé rappelle qu’il faut attendre l’élection présidentielle allemande de 2002 pour que les candidats s’affrontent, pour la première fois, en débat à la télévision.

IMG_5513Le Professeur Dominique Wolton, sociologue, fondateur du laboratoire de recherche en communication politique du CNRS et de la Revue Hermès, a conclu la soirée en rappelant que la communication politique est, pour lui, un ensemble de discours contradictoires. “Le génie de la politique, c’est de rassembler des personnes qui font des choses ensemble” ajoute-t-il.

Il a ensuite élargi le débat à la communication de façon globale : “en communication, on n’a jamais eu autant de tuyaux, de canaux de communication et une information aussi standardisée“. “Plus les Hommes disposent d’une liberté de communication moins il y a de communication humaine, or même derrière l’écran les Hommes sont à la recherche de la communication humaine” souligne le Professeur.

Enfin, il rappelle que, pour lui, la francophonie a connu trois étapes : celle des comptoirs au 15 et 16ème siècles, celle de la colonisation de 1830 à 1960 et celle de la “francosphère” depuis 1960. Pour lui, “la langue française est la langue de l’amour, de la liberté et de la politique”. Il estime qu’il faut aujourd’hui s’intéresser à la notion de langues romanes, c’est-à-dire aux langues issues du latin. Ces langues romanes représentent 1 milliard d’individus. Un très beau numéro de la Revue Hermès aborde justement ce sujet.

Lien vers les Dîners précédents :

Photos de la soirée du 25 avril 2019 :