Sophie Demaison travaille en France dans la communication publique depuis une quinzaine d’années. Elle est l’auteure d’un livre sur la communication des petites collectivités (éditions Territorial).

Estimez-vous que les actions de démocratie participative font partie
du domaine de la communication publique ?

Je pense que la communication publique et la démocratie participative
sont liées. En effet, pour permettre aux citoyens de s’impliquer dans la
vie locale, il est nécessaire qu’ils soient bien informés de ce qu’il
s’y passe et des moyens mis à leur disposition pour participer. Or,
c’est bien le rôle de la communication publique.

Une grande collectivité territoriale disposera en général d’un service communication et d’un service de démocratie participative. Les métiers
ne sont pas les mêmes mais les agents de ces services travaillent main
dans la main et doivent être clairs sur la place accordée aux citoyens
(sur tel projet, la mairie souhaite-t-elle informer, concerter, faire
participer activement ses administrés ? Il s’agira de définir dès le
départ les termes du « contrat »).

Quel est l’historique de la création du marketing territorial ? Dans
quels pays et quels domaines puise-t-il ses racines ?

Comme je l’explique dans mon livre où je consacre un chapitre au
marketing dans l’espace rural, ce concept est né au 19e siècle aux
Etats-Unis et en Europe, mais pour des raisons différentes. De l’autre
côté de l’Atlantique, le Homestead Act en 1862, vise à développer
d’immenses étendues agricoles. Une communication accompagne alors ce
développement, afin d’attirer les populations.

En Europe, le marketing territorial trouve son origine au sein des
villes thermales et touristiques qui, avec l’apparition du chemin de fer
et la possibilité de voyager, commencent à communiquer sur leurs atouts.
Bien plus tard, les métropoles françaises puis les espaces ruraux,
s’emparent du concept, à l’instar de Lyon avec sa marque « OnlyLyon »
lancée en 2007. Il devient nécessaire de se mettre au niveau des autres
métropoles, y compris européennes, pour attirer investisseurs et
touristes.

En quoi consiste le métier de journaliste territorial ? Ne
devrait-on pas parler de rédacteur territorial ? Quelles sont les
compétences nécessaires ?

Selon moi, le journaliste territorial est un passeur d’informations :
les services d’une collectivité, leur fonctionnement, les prestations,
la vie locale (travaux, événements…). Par là, son but est d’informer les
habitants, de leur faciliter la vie dans la cité et de les impliquer.

On peut le nommer « rédacteur territorial », mais l’appellation de
journaliste est préférable car rédacteur est un grade dans la fonction
publique et il faut bien distinguer le grade de l’emploi (par exemple,
un agent est titulaire de son grade, pas de son emploi).

Les qualités et compétences requises : curiosité, sens du contact,
capacités rédactionnelles et de vulgarisation, appétence pour le travail
de terrain, respect du service public.

Les affiches sont-elles un outil de communication désuet ? Comment
régénérer leur utilisation ?

L’affichage est toujours regardé et apprécié par les usagers. La
synthèse du baromètre 2018 Epiceum-Harris Interactive de la
communication locale démontre son utilité, surtout à l’échelle de la
petite commune mais pas que : les affiches sont l’un des supports
principaux pour s’informer pour 66% des Français.

Plus elles seront claires (aller à l’essentiel dans le texte) et en
adéquation avec les codes graphiques actuelles, plus elles attireront
l’œil.

L’affichage est un complément indispensable pour communiquer :
l’habitant retiendra davantage un message s’il le retrouve à plusieurs
endroits (magazine municipal, site web et réseaux sociaux et bien sûr
affichage).

En tant que professionnel de la communication publique, avez-vous
constaté au cours des 10 dernières années des évolutions de relations
avec les médias notamment sous l’influence du digital ? Quels conseils
donneriez-vous pour avoir des relations médias les plus efficaces
possibles ?

Cette question me renvoie à ce que j’ai pu entendre et constater lors du
1er festival de l’info locale, à Nantes, fin juin 2019. La presse quotidienne régionale connaît des difficultés avec une érosion de son lectorat, des regroupements d’agences et une baisse du nombre de journalistes.

Il est par ailleurs compliqué pour les organes de presse de renouveler leurs correspondants et certaines zones (notamment rurales) ne sont plus couvertes.

Comme pour les collectivités et structures publiques, la presse se pose
la question de l’articulation entre le print et le web et voit ses
méthodes de travail chamboulées par la révolution numérique.

Pour nous communicants, les difficultés de la presse quotidienne régionale sont une mauvaise nouvelle. Nous avons besoin d’elle pour diffuser nos messages et crédibiliser nos actions, tout comme elle a besoin de nous pour trouver des informations officielles/fiables. Pour améliorer les relations
presse, il faut tisser une relation de confiance dans le temps, basée
sur le respect du travail de chacun. Trouver la bonne distance est
également un atout pour conforter ces relations (ni trop « copain/copain
», ni trop distantes).

Quelles sont les principales difficultés dans l’exercice de votre
métier ?

A petite échelle comme c’est mon cas, nos moyens sont limités. En clair,
on nous demande de diffuser l’information et d’organiser les événements
avec 0 euro… J’exagère à peine. Nous utilisons beaucoup la ressource
interne, tachons de trouver des relais auprès de nos collègues, de
l’Etablissement public de coopération intercommunale dont nous dépendons et des associations qui fort heureusement sont souvent actives et variées à l’échelle locale.

Nous apprenons vite à être polyvalent en exerçant, dans une même
journée, plusieurs métiers : journaliste, graphiste, attaché de presse,
webmaster, photographe… Cette grande variété des missions fait que l’on
ne s’ennuie pas. Pour ma part, j’aimerais davantage être sur le terrain,
ce qui est parfois compliqué vu l’ampleur de mes tâches administratives.

Enfin, les services communication étant relativement jeunes (par rapport
à d’autres, comme l’état-civil ou les services techniques), nous
souffrons souvent d’un manque de reconnaissance : il nous faut encore
démontrer que nos fonctions sont stratégiques et requièrent de la
technicité.

Interview publiée en septembre 2020

Vous souhaitez être interviewée sur la communication publique ? Répondez aux questions suivantes : https://cercledescommunicants.com/2019/07/23/communication-publique-marketing-territorial-interview/