La série sur le journalisme dans l’espace francophone se poursuit (voir la série d’interviews)… Découvrez l’interview du journaliste d’origine burundaise Pierre Claver Niyonkuru qui collabore avec plusieurs médias africains en ligne. Ses propos sont personnels et n’engagent pas le CCJF.

[Vous souhaitez participer ? Répondez à une interview sur le journalisme : https://cercledescommunicants.com/2019/02/23/journalistes-francophones-journalisme-francophonie/]

Pour vous, à quoi servent les médias ?

Les médias servent à informer, à éduquer et à divertir le monde. Ils constituent un pont entre le bas peuple et le pouvoir exécutif. Ils sont la voix des sans voix. Ils sont les chiens de garde du monde. A travers les médias, les autorités se sentent redevables devant le peuple et par conséquent rendent comptent. Et puis ils constituent un organe de défense des droits humains.

Faites-vous une différence entre journaliste et communicant ? Si oui, laquelle ?

Il y a une nette différence et une ressemblance. Un journaliste est indépendant et impartial, il doit équilibrer son reportage ou article et doit donner le micro à tout le monde. Il travaille pour un organe de presse ou est indépendant. Pour être journaliste, il faut une formation académique ou une formation professionnelle.

Un communicant est une personne qui communique efficacement, qui sait imposer au public son image ou son message. Un publicitaire, un chargé de la communication d’une entreprise qui doit montrer la bonne face tout en cachant le coté négatif.

Quels sont les grands médias écrits et audiovisuels dans votre pays ? A qui appartiennent-ils ? Quelle est leur ligne éditoriale ?

Je suis à cheval entre le Burundi et le Rwanda car je suis un journaliste Burundais exilé et qui travaille avec une accréditation nationale au Rwanda. Dans ces deux pays, les grands médias sont des médias privés. Au Burundi, l’on a par exemple Iwacu, SOS medias Burundi, la Radio Isanganiro. Au Rwanda, nous avons par exemple Igihe, KTpress, Newtimes, la VOA, Radio Yoyacuvoa, Theeastafrican. Ils appartiennent soit aux privés, aux assimilés du pouvoir, aux multinationales.

Quelles sont les difficultés d’exercice du métier de journaliste dans votre pays ?

D’abord, c’est la sécurité physique et matérielle. Par exemple, nous sommes une centaine de journalistes burundais ayant fui le pays car persécutés pour avoir tendu le micro aux putschistes en 2015.

Au Rwanda comme au Burundi, si vous osez, vous prenez un grand risque car vous êtes taxé d’être de gauche ou de droite. Ensuite, c’est le salaire maigre qui pousse des journalistes à ne pas être impartiaux. Et puis c’est le manque de matériel adéquat.

Quels sont pour vous les plus grands journalistes de votre pays ? Pourquoi ?

Au Burundi, il faut citer Antoine Kaburahe, Esdras Ndikumana, Eloge Willy Kaneza, Abbas Mbazumutima, Bob Rugurika, Jean Claude Kavumbagu, Alexandre Niyungeko. Ils osent et défient la peur.

Quels sont les journalistes de votre pays qui sont pour vous des modèles ?

Il y a Antoine Kaburahe, Esdras Ndikumana, Innocent Muhozi, Jacques Bukuru, Bob Rugurika.

Que faudrait-il faire selon vous pour améliorer le journalisme dans votre pays ?

Au Burundi, il faudrait dépénaliser les délits de presse, reconnaitre la liberté de presse et laisser les journalistes travailler librement, éviter la rétention de l’information, réouvrir des médias indépendants et internationaux fermés, ne pas percevoir les journalistes qui osent comme des ennemis du pouvoir, rendre indépendant le Conseil national de la communication qui est l’organe supérieur régulateur.

Interview publiée en septembre 2021